Rares sont les mémoires de premier cycle qui paraissent dans de prestigieuses revues de recherche. Et encore plus rares sont ceux qui parviennent à ouvrir de nouvelles perspectives dans un domaine scientifique en pleine effervescence. Néanmoins, un par Evelyn Macdonald, nouvellement diplômée de McGill en physique, et son directeur de recherche, le professeur agrégé Nicolas Cowan, présente une nouvelle « empreinte digitale » de l’atmosphère de la Terre qui pourrait aider les astronomes à trouver des planètes semblables à la nôtre au-delà du système solaire.
Evelyn Macdonald et Nicolas Cowan ont utilisé les données du satellite canadien SCISAT – lancé en 2003 pour aider les scientifiques à comprendre le phénomène d’appauvrissement de la couche d’ozone – afin d’élaborer un spectre de transit de la Terre en lumière infrarouge. Les astronomes peuvent déterminer quelles sont les molécules présentes dans l’atmosphère d’une planète en observant comment la lumière stellaire change lorsqu’elle en traverse l’atmosphère. Les instruments doivent attendre qu’une planète passe – ou effectue un transit – devant l’étoile pour enregistrer ces observations. Le spectre de transit de la Terre élaboré par Evelyn Macdonald et Nicolas Cowan pourrait servir de référence dans la recherche d’exoplanètes dotées d’une atmosphère capable d’accueillir des formes de vie.
L’idée d’établir un lien entre les données recueillies par un satellite orbitant autour de la Terre et les observations au télescope d’une planète éloignée passant devant son étoile a émergé quand M. Cowan, spécialiste des exoplanètes, a rencontré M. Yi Huang, professeur à McGill en sciences atmosphériques et océaniques, dans le cadre d’une rencontre interdisciplinaire à l’heure du lunch à l’Institut spatial de McGill. M. Cowan faisait la description de la spectroscopie de transit des exoplanètes quand le Pr Huang a fait remarquer sa ressemblance frappante avec la géométrie des résultats de la Terre observés par le satellite SCISAT.
« J’ai trouvé ça très intéressant, se rappelle M. Cowan. Comme je le fais dans ces cas-là , j’ai gribouillé quelques notes que j’ai par la suite oubliées, jusqu’à ce qu’une étudiante du baccalauréat me fasse part de son intérêt à rédiger son mémoire avec moi. »Cette étudiante, Evelyn Macdonald, est une Montréalaise qui s’intéresse à l’espace depuis l’enfance et qui s’est alors inscrite au baccalauréat spécialisé en physique à McGill.
« Une des choses qui m’a plu dans ce projet, c’est qu’il était complet, affirme l’étudiante. Je devais en être le moteur principal, ce qui représentait une excellente occasion d’apprentissage. »
Férue d’exoplanètes, Mme Macdonald n’a toutefois pas flanché devant les concepts de physique atmosphérique à maîtriser pour le projet.
« Je savais pourquoi les exoplanètes me passionnaient, mais je ne savais pas encore très bien ce qui devait être fait dans ce domaine de l’astronomie, confie-t-elle. L’intérêt de ce projet résidait dans ses répercussions et dans tout ce qu’on pouvait découvrir. J’étais donc prête à acquérir les connaissances nécessaires pour le mener à bien. Il se trouve, finalement, que la physique de l’atmosphère me passionne. »
Dès le début, il a fallu relever un grand défi : le projet « demandait beaucoup de programmation en Python, un langage que je connaissais à peine, se rappelle l’étudiante. J’ai dû l’apprendre par moi-même au fur et à mesure. Même si je comprenais ce que j’essayais de faire, j’avais du mal à l’implanter dans le code. Je me suis améliorée progressivement, à force de travail. Le professeur Cowan a été un directeur très dévoué et patient, ce qui m’a beaucoup aidée. »
Grâce à sa motivation, Evelyn Macdonald a pu soumettre son mémoire un an avant de remplir les autres exigences de son programme d’études. Nicolas Cowan a vu le potentiel de publication du manuscrit et a encouragé son étudiante à approfondir ses recherches. Soutenue par une bourse de recherche de premier cycle en sciences (SURA) de la Faculté des sciences de McGill, elle s’est donc consacrée l’été suivant à son projet dans le cadre d’un stage à l’Institut de recherche sur les exoplanètes (iREx), issu d’une collaboration entre l’Université McGill et l’Université de Montréal.
« Je suis très reconnaissante d’avoir pu faire un stage d’été à l’iREx grâce au programme SURA, affirme-t-elle. C’est là que j’ai pu faire connaissance avec les autres étudiants de l’Institut spatial de McGill. J’ai également été exposée à beaucoup de travaux de recherche en astronomie, particulièrement dans le domaine des exoplanètes, grâce à divers entretiens et groupes de discussion. »
Alors qu’Evelyn Macdonald travaillait sur son article, Nicolas Cowan continuait de répondre à ses questions et de commenter les versions provisoires. Le Pr Cowan souligne l’importance de l’article rédigé par son étudiante, qui permettra d’appuyer l’étude des exoplanètes non plus sur des modèles et des prédictions de spectre potentiel d’une planète habitable, mais sur des données concrètes et détaillées provenant de la Terre.
« Qu’Evelyn soit l’auteure principale d’un tel article – à vrai dire, elle l’a rédigé en entier – est attribuable au fait qu’elle soit une excellente étudiante qui a travaillé très fort pendant longtemps et qui a eu un peu de chance. J’ai vu cela deux fois dans ma carrière, peut-être trois, et j’ai collaboré avec plus de 40 chercheurs du premier cycle. »
Evelyn Macdonald continuera d’étudier les planètes potentiellement habitables au doctorat dès cet automne, à l’Université de Toronto. Selon elle, l’expérience acquise à McGill lui sera très utile.
« Le mémoire de premier cycle m’a aidée à me tracer un chemin dans le milieu universitaire, dit-elle. J’ai eu la chance d’acquérir de l’expérience en recherche, l’une des caractéristiques du programme. Comme ce travail a été mené avec plus d’autonomie que celui d’autres cours, je m’y suis consacrée corps et âme. »
L’article « An empirical infrared transit spectrum of Earth: opacity windows and biosignatures », signé par Evelyn J. R. Macdonald et Nicolas B. Cowan, a été publié en ligne le 28 août 2019 dans la revue Monthly Notices of the Royal Astronomical Society.