Quand un projet d’études suscite des courriels d’offres d’achat issus du monde entier, c’est que le produit créé doit avoir du potentiel.
Le produit, dans le cas qui nous intéresse, est une motoneige électrique conçue par trois étudiants en génie de l’Université McGill et leurs collègues, à l’occasion d’une compétition universitaire.
« J’imagine que les gens étaient à la recherche de solutions moins polluantes que les motoneiges classiques », explique Sam Bruneau, B. Ing. 2015, au sujet des demandes provenant de stations de sports d’hiver et de voyagistes d’Amérique du Nord, d’Europe et du Brésil.
Ces organismes ont envoyé un courriel à l’adresse étudiante de l’équipe pour demander s’ils pouvaient leur acheter une motoneige. « Et nous, nous nous disions “ce n’est pas possible, on est encore étudiants” », poursuit Sam en riant.
Mais cet intérêt a encouragé Sam Bruneau, Gabriel Bernatchez, B. Ing. 2016 et Paul Achard, B. Ing. 2014, à creuser l’idée et à lancer leur entreprise de motoneiges électriques, Taiga Motors, fin 2015.
Bien que d’autres entreprises aient déjà transformé des motoneiges à essence en motoneiges électriques, « dans le monde, il s’agit de la toute première motoneige électrique conçue expressément », précise Sam Bruneau.
L’entreprise affirme que les performances de son engin zéro émission, par ailleurs beaucoup moins bruyant, surpassent celles des meilleures motoneiges à combustion.
L’équipe de Taiga a fabriqué cinq versions bêta de sa motoneige cette année. Elle a présenté son produit à des stations de sports d’hiver, des agences de location et des motoneigistes amateurs lors d’une tournée de démonstration qui l’a menée au Colorado, en Californie, à Whistler et à Revelstoke, en Colombie-Britannique.
Selon Sam Bruneau, les stations de sports d’hiver ont accueilli ce produit de façon très favorable. « C’est exactement le produit qu’il leur faut », explique-t-il en mentionnant les grosses économies financières (la motoneige à batterie n’utilise pas de carburant) et les aspects environnementaux. « Ils reçoivent souvent des plaintes au sujet du bruit et de l’odeur de gaz d’échappement que [leurs motoneiges] génèrent ».
Sam Bruneau reconnaît que Taiga Motors s’est heurtée au scepticisme de ses interlocuteurs sur la façon dont les performances de son véhicule, rapide d’accélération, allaient se mesurer à celles des motoneiges classiques, et en particulier au préjugé que, puisqu’il s’agit d’une motoneige électrique, « elle doit peser une tonne ». En réalité, son poids est de moins de 230 kg (500 livres), comme les plus légères motoneiges à essence, explique-t-il.
« Cette donnée les surprend véritablement. Ensuite, ils l’essayent, puis chacun repart le sourire aux lèvres, même les plus sceptiques ».
Forte de plus de 1000 précommandes, l’entreprise effectue une collecte de fonds pour la phase suivante, la production, qui nécessite beaucoup plus de capitaux, comme le remarque Sam Bruneau.
L’objectif est de fournir dès l’hiver prochain le véhicule essentiellement aux stations de sports d’hiver ainsi qu’à d’autres entités commerciales, puis, à la fin de 2020, de commencer les livraisons aux motoneigistes amateurs.
« Les pays d’Europe nous ont réservé un accueil formidable, auquel nous ne nous attendions pas », explique Sam Bruneau au sujet de la Norvège, la Finlande, la Suède, l’Italie, l’Autriche et l’Islande.
Les demandes ont afflué, « en particulier de la part du secteur commercial, puisque dans un grand nombre de ces pays d’Europe, la motoneige récréative est interdite depuis longtemps en raison de ses importantes répercussions environnementales. Par le passé, un grand nombre de ces entreprises ont perdu d’importantes parts de marché. Les motoneiges électriques constitueraient un excellent moyen de raviver cette industrie et de présenter ce sport à toute une nouvelle génération ».
La batterie aux ions de lithium avec contrôle thermique du véhicule doit être chargée tous les 100 kilomètres. Taiga espère faire passer ce nombre à 200 km en cinq ans, une autonomie qui serait alors similaire à celle de n’importe quelle motoneige à essence, indique Sam Bruneau.
Sa rencontre avec Gabriel Bernatchez et Paul Achard, les cofondateurs de l’entreprise, a eu lieu dans le cadre du McGill Formula Electric, un projet périscolaire au cours duquel les étudiants conçoivent, fabriquent et conduisent des voitures de course.
Peu après le lancement de leur entreprise, le trio a remporté la première place ainsi qu’un capital d’amorçage de 15 000 $ lors de la Coupe Dobson, une compétition d’entreprises en démarrage organisée par l’Université McGill.
« Ça a été formidable de recevoir tous ces conseils de la part de [mentors] expérimentés. Gagner cette compétition nous a beaucoup aidés : ça aurait été vraiment difficile de collecter des fonds si nous n’avions pas gagné la Coupe Dobson. »
Le réseautage a joué un rôle prépondérant, en raison de la force du réseau de McGill, ajoute Sam Bruneau, en expliquant qu’ils ont rencontré leurs investisseurs suivants à Boston à l’occasion d’un souper d’anciens élèves de l’université.
L’investisseur providentiel Tim Tokarsky, B. Sc. 1988, a été leur tout premier bailleur de fonds : juge de la Coupe Dobson depuis longtemps, il est l’un des cofondateurs du programme d’été intensif de l’Université McGill à destination des jeunes pousses, McGill X-1 Accelerator.
« J’investis dans des personnes. J’ai aimé leur passion et leur côté sérieux », explique Tim Tokarsky, qui siège au conseil d’administration de Taiga Motors. « Ce qui m’importe, c’est avant tout la passion, parce que lorsqu’on est passionné par quelque chose, on finit toujours par réussir ».
Taiga Motors a fait essayer ses motoneiges électriques à des centaines de personnes, de la côte est jusqu’aux Rocheuses, à l’ouest. Grâce à ces essais, la jeune pousse montréalaise a recueilli des données et des commentaires qui lui ont permis de peaufiner l’engin avant son lancement. Selon Sam Bruneau, tout a été conçu pour être facilement transposable à d’autres applications dans le domaine des sports mécaniques, les motomarines et les motoquads, notamment.
« Notre mission, c’est de rendre les sports mécaniques plus propres, pour que tous puissent ressentir l’euphorie des grands espaces sans pour autant infliger un lourd tribut à l’environnement ».