Celeste Nantel est une passionnée de robotique, et Chloë Ryan, une artiste visuelle pigiste. En février dernier, fatiguées d’étudier pour un examen de thermodynamique, les deux étudiantes en génie mécanique commencent à réfléchir à des idées d’entreprise.
Chloë, l’artiste, fait remarquer l’écart énorme entre le prix des œuvres de professionnels et celui des impressions bas de gamme produites en série qui ornent souvent les murs des logements d’étudiants. « Nous nous sommes demandé s’il était possible d’incorporer la robotique ou une composante logicielle dans le processus de peinture afin de rendre l’art plus accessible », se rappelle-t-elle.
Huit mois plus tard, la jeune pousse voit le jour. Chloë, Celeste et un autre étudiant en génie féru de robotique mettent au point un système de robot-peintre qui produira des peintures acryliques sur toile. L’équipe espère ainsi pouvoir peindre des toiles selon les goûts des clients, et peut-être un jour fournir des œuvres d’art à des hôtels ou à des immeubles de bureaux.
Par le biais d’un programme de McGill qui aide les étudiants à concrétiser des idées prometteuses, les jeunes entrepreneurs espèrent lancer leur entreprise l’année prochaine.
Des idées au service des gens
Sur leur site Web, les cofondatrices indiquent que pour elles, « l’art et la technologie ne sont pas des opposés. En combinant le talent des artistes et la puissance de la technologie, nous produisons des peintures à l’acrylique uniques, éthiques et abordables qui ajouteront de la couleur à n’importe quel lieu. »
Chloë et Celeste ont participé au programme TechAccel du Centre McGill Engine de la Faculté de génie dans l’espoir de décrocher une subvention. En compagnie des autres équipes en compétition, l’équipe d’Acrylic a présenté son projet lors d’un événement en septembre dernier; son exposé lui a valu le prix coup de cœur du public, d’une valeur de 1 000 $.
Les subventions TechAccel aident les étudiants à accélérer des projets technologiques ayant des retombées commerciales ou sociales et leur offrent une occasion en or d’apprendre par l’expérience. Les lauréats ont droit à un encadrement et à un mentorat personnalisés assurés par un expert du domaine. Les étudiants voient également leur participation inscrite dans leur dossier para-universitaire, puisque le programme TechAccel est une expérience éducative enrichie reconnue.
« Grâce à la subvention TechAccel, nous avons transformé notre idée en un projet sur lequel nous travaillons maintenant tous les jours », explique Celeste.
Dans le cadre du programme quadrimestriel TechAccel, 50 projets d’entreprises étudiantes se sont partagé plus de 151 000 $ provenant du Fonds d’innovation Engine de la Faculté de génie au cours des cinq dernières années.
Cette année, les dix lauréats du programme d’été ont présenté une grande variété de projets allant de la plateforme de musique afrobeat à une brosse à dents réinventée. Katya Marc, directrice adjointe du Centre McGill Engine, nous apprend que cette cohorte a reçu 34 700 $ en subventions, soit une moyenne de 3 470 $ par équipe. « Nous avons constaté une augmentation de 140 % des demandes de participation au programme TechAccel par rapport à l’année dernière. Nous espérons faire croître notre fonds d’innovation afin que le Centre puisse soutenir encore plus d’étudiants », ajoute-t-elle.
La haute technologie au service de la pâtisserie
Lors de l’événement de septembre, Jiayuan Wang, également étudiant au premier cycle en génie mécanique, a présenté son projet qui allie haute technologie et pâtisserie. En collaboration avec un homme d’affaires expérimenté dans le marketing et les ventes, Jiayuan a lancé son entreprise de fabrication d’emporte-pièce par impression 3D, Cookiestruct.
Les emporte-pièce sont fabriqués individuellement et personnalisés selon les désirs des clients.
Les clients envoient leurs instructions, une image ou une photo à Cookiestruct – il peut s’agir d’un visage, d’un logo ou de texte – et la jeune entreprise fabrique les emporte-pièce en plastique PLA recyclable, compostable et apte au contact alimentaire au moyen d’imprimantes 3D.
Originaire de Shanghai, Jiayuan dit avoir eu cette idée en faisant de la pâtisserie pour sa famille d’accueil, aux États-Unis, où il a fait ses études secondaires.
Jiayuan et son cofondateur, Félix Montgrain, se sont récemment adjoint deux influenceurs en ligne du monde de la pâtisserie et ont ainsi attiré beaucoup de clients. « Nous pensons que ce modèle d’affaires peut être bénéfique pour notre entreprise », explique Jiayuan, qui envisage de faire un MBA un jour. « Ça marche bien. Nous sommes de plus en plus connus au Québec. Lorsque nos familles et amis parlent de Cookiestruct, il y a souvent quelqu’un qui dit avoir entendu parler de nous. La période des fêtes approche, et nous prévoyons faire de très bonnes ventes. »
« Nous cherchons à conclure d’autres partenariats avec des personnes qui font de la pâtisserie en ligne et donnent des conseils à leurs auditeurs. En période de pandémie, les gens ont besoin de solutions créatives pour évacuer leur stress. »
« Nous croyons que ça pourrait avoir beaucoup de succès, surtout auprès des familles. »
Jiayuan a d’abord reçu une aide financière du Centre McGill Engine en 2019, puis le programme de stages de cet été lui a permis d’embaucher trois stagiaires pour les médias sociaux, le développement logiciel et le développement Web. Le Centre McGill Engine a payé le salaire d’un stagiaire dans le cadre de son nouveau programme de stages pour entreprises en démarrage, alors que les deux autres stagiaires ont été rémunérés au moyen d’une participation en capital.
Cookiestruct a reçu 1 200 $ en subvention et 4 500 $ supplémentaires pour un stagiaire pendant l’été.
« Ça nous a vraiment beaucoup aidés », avoue Jiayuan.
« Nous voulons devenir un guichet unique pour la pâtisserie », déclare Jiayuan, dont les emporte-pièce sont en vente à La Licornerie, boutique de cadeaux éclectique de Montréal.
La jeune entreprise verse une partie de ses ventes au Club des petits déjeuners, qui sert des repas aux enfants vivant de l’insécurité alimentaire.
Ressources pour les Ă©tudiants entrepreneurs
Le Centre McGill Engine travaille en collaboration avec le Centre Dobson pour l’entrepreneuriat – carrefour entrepreneurial de l’Université McGill – pour appuyer les étudiants dans leurs projets d’innovation. Et les étudiants peuvent se tourner vers un certain nombre d’autres ressources pour lancer leurs idées prometteuses.
L’hiver dernier, quelques semaines après avoir eu l’idée de créer Acrylic, les deux étudiantes au premier cycle ont fait une demande au de , fonds de capital-risque dirigé par des étudiants qui investit dans les projets d’entrepreneurs étudiants de partout au Canada, et ont été acceptées dans le programme. Elles ont ainsi pu participer à une série d’ateliers en juin et juillet et élaborer le modèle d’affaires d’Acrylic. À la mi-août, une équipe marketing de trois personnes s’est jointe à elles.
Chloë arrivait d’Ottawa, où elle a fait son secondaire, et Celeste, d’Oakville, en Ontario. Elles se sont rencontrées peu de temps après leur arrivée à McGill, lors d’une réunion du Junior Council, comité de l’Association des étudiants de premier cycle en génie dont le mandat est de favoriser un esprit de communauté et de proposer des activités aux étudiants de première année en génie de l’Université. Les deux entrepreneures sont reconnaissantes au Junior Council pour ses encouragements.
« Sans le Junior Council, je ne sais pas si j’aurais participé à autant d’activités à McGill. Ce comité a été vraiment important pour moi », avoue Celeste.
Les groupes tels que le Junior Council et Promoting Opportunities for Women in Engineering (POWE) – association dirigée par des étudiants dont la mission est d’inciter les femmes à choisir l’ingénierie – « font évoluer les mentalités pour rendre les programmes de génie plus accueillants pour les femmes à McGill. Il y a beaucoup d’initiatives axées sur l’équité, et elles sont principalement dirigées par des étudiants », ajoute Chloë.
La suite
Chloë et Celeste continuent de faire progresser les technologies robotiques et logicielles d’Acrylic et souhaitent lancer la phase marketing l’année prochaine. Sur le site Web de l’entreprise, le client indique ses préférences en matière de style, à partir desquelles le logiciel génère une œuvre que le client devra approuver. Ensuite, le robot-peintre – fabriqué en grande partie de pièces créées par impression 3D – fera la peinture acrylique sur toile.
Acrylic espère créer un jour des partenariats avec des artisans locaux « afin de rendre ses œuvres accessibles à plus de gens ».
« Actuellement, je suis l’artiste d’Acrylic, mais lorsque nos algorithmes logiciels seront prêts et notre robot-peintre à l’œuvre, nous espérons que des artistes locaux voudront bien augmenter la production de leur travail par l’intermédiaire d’Acrylic. Nos toiles seront donc créées par le client, l’artiste professionnel partenaire dont il aime le style et nos algorithmes, puis peintes par notre robot. »
« C’est un projet ambitieux auquel nous voulons associer la meilleure technologie possible et que nous aimerions lancer rapidement. Notre produit n’est pas encore sur le marché, mais nous avons confiance – beaucoup de gens ont déjà exprimé leur intérêt ».