Bienvenue Ă notre professeur praticien McConnell, Michel Hellman
C’est avec grand plaisir que le CRIEM accueille Michel Hellman comme professeur praticien de la Fondation McConnell pour l’année 2024!
est bédéiste, illustrateur, chargé de cours à l’Université du Québec en Outaouais et enseignant en histoire de l’art. Il est l’auteur des bandes dessinées Mile End (2011, Pow Pow) et Nunavik (2016, Pow Pow), en plus d’avoir participé à de nombreuses résidences et expositions, dont celle sur le quartier Côte-des-Neiges organisée par la Maison de la culture du même quartier. Détenteur d’un baccalauréat et d’une maîtrise en histoire de l’art de l’Université McGill, il s’intéresse à la relation entre l’espace urbain et la bande dessinée. Nous l’avons rencontré pour parler de ses projets à venir au CRIEM.
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Quel est votre projet pour votre résidence comme professeur praticien?
Je souhaite faire une cartographie de MontrĂ©al en bande dessinĂ©e. En somme, il s’agit de saisir l’essence des diffĂ©rents quartiers de MontrĂ©al Ă travers des rĂ©cits dessinĂ©s. Ça sera donc une cartographie «sensible» qui sera constituĂ©e d’anecdotes, de souvenirs, pour raconter un lieu Ă travers plusieurs points de vue. Dans ces points de vue, on aura le mien, le narrateur-spectateur qui dĂ©ambule dans la ville, qui s’imprègne de ce qui l’entoure et qui tente d’en faire ressortir les spĂ©cificitĂ©s - ce que j’ai dĂ©jĂ fait, que ce soit dans ma bande dessinĂ©e Mile End ou dans mon exposition CĂ´te-Des-NeigesĚý- mais il y aura aussi une collection de petites histoires provenant de diffĂ©rents personnages emblĂ©matiques habitants ces quartiers. Ce sera donc des portraits de quartiers faits Ă hauteur de rue, constituĂ©s de multiples regards. Je souhaite montrer les diffĂ©rences, les contrastes, illustrer les communautĂ©s de voisinage.
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Que voulez-vous dire par cartographie sensible?
Il ne s’agira pas d’une cartographie traditionnelle, mais plutôt d’une cartographie qui va relever du sensible, de l’émotionnel. Elle présentera (si l’on veut prendre des termes de recherche) des données qualitatives associées à l’expérience des individus. Cela peut nous aider lorsque l’on tente de faire un portrait qui soit le plus juste possible d’un lieu en allant au-delà des chiffres et des statistiques pour se concentrer sur l’expérience vécue, les attentes, les désirs, les joies, les frustrations.
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Comment comptez-vous trouver les individus emblématiques de quartier?
Ça, ce sera effectivement plus difficile! L’idéal serait d’être en mesure de recueillir le plus de témoignages possible. Mon projet sera alimenté au fur et à mesure par des récits, des rencontres. Je vais tenter de travailler avec les organismes communautaires. Je suis un bédéiste, mais je profite de mon passage au CRIEM pour apprendre à devenir chercheur. Pour l’instant, je suis aux premiers balbutiements de mon projet; je tente de trouver le bon ton, le bon style, graphiquement et narrativement.
Les personnages dont je vais parler auront chacun.e une expérience différente du quartier. Je vais commencer par le district Peter-McGill (qui est considéré comme un «quartier sociologique» ). Je trouve ça pertinent de commencer à Peter-McGill parce que, déjà , je ne connaissais pas le terme «quartier sociologique», ensuite c’est dans Peter-McGill où sont situés les bureaux du CRIEM… Mais au-delà de ces considérations pratiques je trouve que ce quartier se présente comme un microcosme fascinant de Montréal. On y voit son histoire dans l’architecture bigarrée; c’est également une mosaïque avec une différence marquée entre les populations qui demeurent d’un côté et de l’autre de la rue Sherbrooke. C’est un quartier constitué d’étudiant.e.s de McGill, de Concordia, mais aussi de personnes issues d'une immigration récentes, de jeunes familles, de personnes en situation d'itinérance. Il y a une multitude de portraits que l’on peut faire.
La bande dessinée se présente comme un excellent outil de vulgarisation et c’est une dimension importante de mon projet . Dans mes portraits de quartier je souhaite transmettre des informations, des idées et rejoindre un large public. Je veux parler de cette diversité, tenter d’expliquer pourquoi Montréal se divise de cette manière, avec des «frontières» historiques parfois naturelles, parfois artificielles qui se créent entre les quartiers. Il y a des lieux dans la ville qui ont une identité spécifique, comme le Mile End, il y en a d’autres qui sont des désignations simplement administratives. Est-ce que les résident.e.s y sentent un lien, est-ce qu’il.elle.s se sentent associé.e.s, défini.e.s par ce quartier-là ? Pas nécessairement! Et il y a beaucoup de quartiers fantômes aussi, qui ont disparu au fil du temps et ça c’est intéressant d’en parler.
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De manière idéale, qu'est-ce que vous pensez avoir fait au terme de votre résidence comme professeur praticien?
J’aimerais sortir avec un projet concret, un livre, qui parlerait des quartiers de Montréal. Je ne sais pas si je vais avoir le temps de réellement recenser tous les quartiers; c’est quand même ambitieux! La bande dessinée permet de rendre des concepts abstraits plus tangibles: il y a un rapport texte et image particulier à ce médium qui permet de donner différents niveaux de lectures à une histoire. Je souhaite que ma bande dessinée soit un projet collaboratif avec la communauté de recherche du CRIEM. Il y aurait une dimension académique, mais je veux que ça garde le ton poétique, humoristique, accessible et ludique caractéristique de la bande dessinée. Je n’ai pas envie d’essayer de me réinventer comme quelqu’un que je ne suis pas. Alors ce serait un ouvrage qui s’alimenterait le plus possible des recherches des membres du CRIEM, mais qui ne s’éloignera pas de mon ton et de mon style de bédéiste. Le travail interdisciplinaire ne me paraît pas nécessairement facile, donc je pense que ça sera un bon exercice pour les chercheur.se.s également d’être en mesure de synthétiser, de résumer. En m’expliquant les grandes lignes des recherche que je pourrais inclure dans mon projet, ce sera une manière pour eux.elles de visualiser leurs travaux d’une manière nouvelle. Je pense que ça peut être un exercice pertinent pour tout le monde.
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Pouvez-vous me parler de votre processus de création?
C’est comme pour n’importe quel processus de création! Il faut vraiment y aller avec les premiers brouillons, qui sont souvent mauvais. Jeter toutes les idées, sans les juger. Il ne faut pas essayer de faire quelque chose de bon tout de suite. J’ai toujours un carnet avec moi et je dessine le plus possible des dessins d’observation, je recueille des informations. Il y a parfois des bonnes idées, surtout des mauvaises, mais il faut sortir les mauvaises pour avoir les bonnes. Je commence comme ça et je mets vraiment tout pêle-mêle. Je n’essaie pas de commencer avec une bande dessinée «traditionnelle», en mettant les cases, les phylactères etc... Après les premiers brouillons, j’arrive à cerner un fil conducteur et c’est avec ce fil conducteur que je vais pouvoir commencer et continuer le récit. Donc la première partie, c’est une partie laboratoire, si je peux dire, celle où on accumule et on met le plus de choses possible sur la page blanche, où l’on tente de faire des liens.
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Lisez-vous d’autres bd?
Oui, je lis d’autres bd mais j’essaie de ne pas m’inspirer exclusivement de bandes dessinées. Je regarde aussi ailleurs. Il faut tenter de s’intéresser à tout, on ne sait jamais ce qui va finir par nourrir sa pratique, créer le «flash» ou l’inspiration.
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Pourquoi est-ce important d'écrire et de dessiner Montréal?
C’est une ville inspirante qui est constamment en mouvement! Je sors, je m’installe, je dessine, je prends le temps d’observer absolument tous les détails, d’essayer de faire ressortir certains éléments qu’on a tendance à ignorer ou à oublier lorsqu’on parcourt toujours les mêmes rues, lorsqu’on est pris dans la routine. Prendre le temps de s’imprégner, de comprendre sa ville, c’est un exercice très agréable. Et peut-être le dessin permet-il de faire ressortir des éléments qu’on aurait tendance à moins remarquer par rapport à un ouvrage qui se concentrerait seulement sur, par exemple, la photographie. Dans le dessin, il y a une dimension qui est plus lente, introspective que l’on arrive, je pense, à déceler également en tant que lecteur.trice.s.
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Une journée parfaite à Montréal?
Une journée parfaite, ce n’est pas une journée où il fait nécessairement beau, il peut neiger aussi! Mais il faut commencer par le mont Royal. Se promener et avoir l’occasion d’être beaucoup dehors et prendre un café ou une bière. C’est classique comme parcours!
3 symboles incontournables?
Le mont Royal, qui définit tellement le paysage.
Les escaliers des duplex et triplex, qui donne une poésie à Montréal.
Les langues, pas juste le français et l’anglais, ça parle plein de langues à Montréal et notre niveau de bilinguisme, voire de plurilinguisme, est quand même étonnant.
Quartier préféré?
J’ai beaucoup parlé du Mile End! Je n’ai pas un quartier préféré, j’en ai plusieurs. En ce moment, je découvre le Shaughnessy Village, et je l’aime beaucoup!